LETTRE OUVERTE DE SAJA AL-AKHRAS AU MAIRE ET AUX HABITANTS DE MONTRÉAL

Bonjour tout le monde,

Mes petites mains tremblent au moment où je vous écris cette lettre posthume. Il faut dire que je n'ai jamais imaginé que je pouvais écrire des lettres et de les envoyer de l'au-delà, même quand je jouais au facteur avec ma soeur ZEINAB et mon frère AHMAD. Et bien voilà je vous envoie ces quelques mots du ciel et je sais que vous allez être attentifs à chaque mot.

Comme tous les enfants canadiens, mes parents ont choisi une destination pour passer les vacances d'été : LE LIBAN, le pays d'origine de mes grands-parents. Mon père voulait absolument présenter ses quatre enfants aux membres de sa famille. Tout le monde était excité à l'idée de partir, personne ne se doutait de ce qui nous attendait. Je pensais à mes petits cousins, au soleil, aux grillades au bord du fleuve, aux papillons... tout était beau, tout avait la couleur du rêve, de la vie et du bonheur.

Arrivés à AITAROUN, ma grand-mère s'est chargée de nous raconter l'histoire de ce petit village du sud et comment ils sont arrivés à Montréal. J'ai appris qu'au début de l'occupation israélienne en 1978, il y avait 22000 habitants et lors de son retrait en 2000, il y avait 6000. Mes grands-parents ont fui les massacres perpétrés par l'armée israélienne. Ils ont trouvé refuge dans ce beau pays qui est le CANADA. Ils nous ont toujours parlé de ce pays comme un petit coin du paradis où ils ont trouvé la sécurité, la vie, la liberté et les respect de la personne. J'étais fière de ces valeurs et j'étais heureuse d'être née sur le sol canadien.

Les premiers jours de nos vacances se sont bien passés jusqu'au jour où j'ai levé mes yeux vers le ciel pour chercher des papillons ou des oiseaux, bizarre j'ai trouvé à la place des avions qui ont fait naître la panique chez les grands et les petits. J'ai couru vers ma mère qui allaitait ma soeur SALAM / PAIX. ZEINAB et AHMAD se sont collés à moi. Mon père a tenté de nous expliquer que c'est juste un orage, comme à Montréal, après il y aura un beau ciel dégagé et on peut continuer notre jeu. Malgré mon jeune âge, j'ai senti qu'il y avait autre chose.

La machine de guerre israélienne est venue bombarder notre village mettant fin à tous mes rêves, anéantissant toute ma famille, réduisant tout ce qui était autour de nous à de simples décombres. On n'a pas eu le temps de se dire "ADIEU", je n'ai pas eu le temps de donner à ma mère un baiser sur son front : LES VOLEURS DE L'ENFANCE, DES REVES ET DE LA VIE étaient pressés, ils ne nous ont laissés aucune chance.

Mais ce qui me surprend c'est que certains continuent à appeler cela : AUTO-DEFENSE et REPONSE MESUREE. Peut-être que je n'ai pas bien vu parce que je suis quelque part dans le ciel, mais il semblerait que le maire de ma ville s?est tenu au côté de mes assassins en leur apportant son support. Non. M. Tremblay, vous ne pouvez pas légitimer notre assassinat, vous ne pouvez pas le couvrir et le justifier. Nos concitoyens montréalais sont accueillants, généreux, pacifiques et toujours prêts à aider. Vous ne pouvez pas faire d'eux des complices des assassins de l'enfance.

Je vous embrasse tous et je compte sur vous pour parler de moi et de tous les autres enfants, femmes, vieillards assiégés, terrorisés, affamés et assoiffés.

ADIEU.