La scène artistique de Montréal soutient le boycott d’Israël

April 23rd, 2010 | Posted in Boycott, Canada, Culture, Palestine, Quebec
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    Avril 2010 Le Courrier Emmanuel Dror

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Photo: Claudia Espinosa. Musicienne Rebecca Foon à Artistes Anti Apartheid.

En octobre 2009, une soixantaine d’artistes européens, principalement des Français mais aussi l’Anglais Gilad Atzmon ou le Suisse Michel Bühler, réclamaient la levée du blocus de Gaza. Fin février 2010, ce sont 500 artistes de la seule ville de Montréal au Québec qui ont signé un appel pour appuyer la «campagne internationale de boycott, désinvestissement et sanctions» menée au Canada par la Coalition contre l’Apartheid israélien (basée à Toronto).

Pour mesurer cet élan, nous avons contacté l’un des initiateurs québécois de cet appel, Stefan Christoff, pianiste, photographe et militant associatif à Montréal. Stefan Christoff explique que, dans cette ville, «les communautés artistiques et militantes ont toujours été proches l’une de l’autre. De nombreux artistes sont issus des quartiers pauvres de Montréal, où de jeunes étudiants cohabitent avec les classes défavorisées, ouvrières ou immigrées. Dans ces quartiers, les lieux de rencontre sont des lieux de débats, mais aussi des lieux de création artistique où se tissent des liens qui durent».

Quand les artistes «réussissent», ils conservent une fidélité pour leur quartier d’origine, une solidarité avec leurs anciens voisins et un sens de la justice sociale. «Il n’est donc pas difficile, explique l’artiste militant, d’organiser des concerts de soutien avec d’excellents participants et de nombreux spectateurs».

L’exemple «Sun City»

Ainsi a-t-on pu voir, ces derniers mois à Montréal, des concerts au profit de travailleuses philippines exploitées au Canada, en solidarité avec un sans-papiers algérien du quartier de la Pointe Saint-Charles ou de soutien à la famille d’un jeune abattu par la police dans le quartier de Montréal Nord. Cette solidarité s’étend également aux Haïtiens touchés par le tremblement de terre, ou à toutes les victimes d’injustices, d’Amérique du Sud au Moyen-Orient.

Stefan Christoff cite l’exemple du guitariste Steve Van Zandt – alias Little Steven, membre du E Street Band de Bruce Springsteen et comédien dans la série Les Soprano. En 1985, aux Etats-Unis, Van Zandt crée le groupe Artists United Against Apartheid pour dénoncer la ségrégation en Afrique du Sud. Il a écrit le texte «(I ain’t gonna play) Sun City», chanson qui sera interprétée par le gotha de la chanson américaine – Bob Dylan, Miles Davis, Bruce Springsteen, Lou Reed, Peter Gabriel et bien d’autres.

Deux décennies plus tard, l’analogie avec la situation des Palestiniens donne l’idée à Stefan Christoff de monter une série de concerts qu’il intitule Artists Against Apartheid, «contre l’apartheid pratiqué par Israël, la ségrégation, les discriminations et le racisme d’Etat». Comme en Afrique du Sud, il pense que la politique israélienne ne s’infléchira que sous une forte pression internationale, initiée par la société civile.

Lhasa, une dernière fois

Lors du huitième de ces concerts, le 7 juin 2009, la chanteuse Lhasa interprète «A Fish On Land» avec ses amis du groupe Esmerine. Elle ne sait pas que c’est sa dernière apparition publique, avant son tragique décès d’un cancer quelques mois plus tard (le 1er janvier 2010). Elle sait en revanche qu’elle a, pour la première fois, joint sa signature à un appel politique clair.

La douzième édition de Artists Against Apartheid s’est tenu à Montréal le 18 mars dernier, avec notamment à l’affiche la poétesse palestinienne Rafeef Ziadah (soutenue par le Conseil des Arts de l’Ontario) et le collectif d’électro/hip hop/soul engagée LAL.

«L’appel au boycott des 500 artistes montréalais n’est pas une simple pétition, insiste Stefan Christoff. C’est le résultat d’innombrables rencontres, discussions, confrontations et réflexions, lors et autour de ces concerts.» Si les artistes partagent la même émotion devant la tragédie palestinienne, tous ne pensent pas immédiatement que le boycott soit la meilleure stratégie. Ils ne savent pas toujours répondre à leurs détracteurs, mais nombreux sont ceux qui veulent aller plus loin.

«C’est ainsi que nous est venue l’idée d’un appel collectif, un message clair et argumenté, une réponse aux questions qu’on pourrait nous poser», explique Christoff. Avant d’ajouter avec une pointe d’autodérision: «Le texte ne fait qu’une page, mais il est le fruit de centaines d’heures de discussions et de milliers de versions écrites, raturées et réécrites! Mais, à long terme, ces heures de débats sont presque plus importantes que le résultat final.»

Le résultat n’en est pas moins là: 500 artistes issus d’une seule ville: de grands noms comme Lhasa de Sela, Gilles Vigneault, Richard Desjardins, Yann Perreau, James Di Salvio de Bran Van 3000, des membres de groupes connus sur la scène alternative tels que Lesbians On Ecstasy et A Silver Mt. Zion, mais aussi des cinéastes, danseurs, peintres, plasticiens, poètes, écrivains, etc. Tous ces artistes prennent le risque de perdre quelques «clients» et de déplaire aux maisons de disques et aux médias qui redoutent ce genre de vagues.

Invitation à se joindre

On sent d’ailleurs poindre une certaine fierté quand Stefan Christoff affirme qu’«à Montréal, plus qu’ailleurs, les artistes ont gardé leur indépendance, une conscience sociale et des convictions. Ils en tirent les conséquences qui s’imposent et déclarent: ‘nous ne jouerons pas dans un Etat qui pratique l’apartheid, bafoue le droit international et les droits fondamentaux des Palestiniens’». L’appel se conclut par une invitation aux autres «artistes et producteurs culturels à travers le pays et autour du monde à se joindre à ce mouvement international.» A suivre, donc…

note :

L’initiative montréalaise ici
L’initiative française ici

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