Gaza: Les blessés continuent de souffrir

14 avril 2010 | Posté dans Canada, Palestine, Solidarité
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    rabble.ca Stefan Christoff, Avril 2010

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Photo: Matthew Cassel Ces blessures de guerre interminables ont un impact grave.

Ils sont des milliers dans toute la bande de Gaza à vivre avec des blessures graves : des jeunes amputés de guerre, des mères gravement brûlées par les bombes au phosphore, un nombre incalculable de Palestiniens confrontés à des troubles psychologiques, toutes ces blessures venant de la catastrophe provoquée sur Gaza par l’agression militaire israélienne, l’hiver 2008/2009.

Et les blessures de guerre sont toujours une réalité constante en 2010.

« Toutes les nuits, et même la nuit dernière, les avions israéliens bombardent Gaza, » déclare Muawiya Hassanein, directeur général des services ambulanciers et des services d’urgences pour le ministère de la Santé palestinien, dans une interview à Gaza ville, pendant les récentes frappes aériennes.

« Beaucoup sont blessés… il y a de graves blessures et ces personnes sont en ce moment même soignées à l’hôpital européen de Gaza. »

Des blessures graves dans Gaza, mais dans la presse, rien, aucun gros titres dans le monde, tel est le scénario habituel qui ne veut pas voir la violence normalisée, les morts et les blessures infligées régulièrement à des civils.

Ces blessures de guerre interminables ont un impact dévastateur, beaucoup de jeunes fréquentent l’école dans la bande de Gaza avec un ou plusieurs membres en moins, ou avec des éclats d’obus restés dans le corps, des blessures qui sont le résultat d’une violence militaire sans fin contre la population civile palestinienne.

« Beaucoup dans Gaza souffrent de traumatisme psychologique et ont besoin d’être suivis, » dit Hassanein. « Des milliers d’enfants ont des traumatismes graves ou vivent avec des blessures critiques qui affectent leur vie, leur éducation, leur famille et plus important encore, leurs rêves d’avenir, et aucun, aucun Israélien (dans les responsables) n’est tenu pour responsable de ces crimes de guerre. »

Alors que les manchettes de la presse mondiale se bousculaient sur les initiatives de promotion du « processus de paix » au Moyen-Orient, que la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, s’adressait à la conférence de l’AIPAC en confirmant un soutien politique indéfectible de l’administration Obama à la politique du gouvernement israélien pour qu’il laisse la bande de Gaza en état de siège, il n’y eut qu’un intérêt tout relatif de la part des médias pour la souffrance physique et sociologique après l’opération Plomb durci.

En revanche, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon, a publiquement exprimé une « solidarité » avec la population de Gaza lors de sa venue dans le territoire, condamnant le prolongement d’un blocus qui provoque « une souffrance inacceptable » pour le peuple palestinien.

En dépit des appels politiques aux plus hauts niveaux internationaux pour la fin de ce siège, les autorités israéliennes continuent de punir collectivement le un million et demi de Palestiniens de la bande de Gaza, provoquant une crise humanitaire qui s’aggrave dans un lieu que John Homes, secrétaire général adjoint des Nations-Unies pour les Affaires humanitaires, appelle « une vaste prison à ciel ouvert ».

Solidarité médicale dans Gaza

Alors que les missiles israéliens tombaient sur Gaza au lendemain du Noël 2008, Mads Gilbert, médecin norvégien, s’envolait pour l’Egypte avec le soutien diplomatique de la Norvège, pour entrer dans Gaza et apporter son aide d’urgence aux services médicaux palestiniens qui allaient à la catastrophe.

Les témoignages directs d’internationaux depuis Gaza sur les bombardements ont été limités car Israël a profité de l’opération Plomb durci pour investir et couper tous les accès à Gaza. Les journalistes, militants et travailleurs humanitaires internationaux n’ont pu entrer sur le territoire palestinien.

Ce fut une exception que Gilbert puisse entrer dans Gaza avec le soutien politique du gouvernement norvégien qui négocia son entrée avec les autorités égyptiennes. Gilbert fut l’un d’une poignée d’internationaux qui purent passer durant les bombardements israéliens.

Ce témoignage de première main qui donne des détails sur l’agression israélienne à Gaza s’est trouvé au centre de la conférence universitaire que Gilbert a tenue récemment en Amérique du Nord. Plus d’un an après les bombardements israéliens, Gilbert ne s’en tient pas aux massacres qui ont frappé la population de Gaza durant l’opération Plomb durci, il parle aussi des frappes aériennes israéliennes qui se poursuivent encore aujourd’hui et du traumatisme social enduré à la suite des blessures graves de guerre.

« Les pertes pour les familles sont étendues, douloureuses et durables, jamais vous ne pourrez oublier que votre enfant a été tué de la main humaine, » déclarait Gilbert pendant son séjour à Montréal. « Ce n’était pas une catastrophe naturelle, ce n’était pas un tsunami ni un tremblement de terre, c’était à cent pour cent une catastrophe provoquée par l’homme, planifiée et exécutée avec le plus grand soin par les chefs militaires israéliens sous l’égide du gouvernement israélien. »

Le témoignage de première main de Gilbert depuis Gaza, essentiellement basé sur son expérience à l’hôpital d’Al-Shifa, le plus grand centre médical dans Gaza, est clairement ancré dans les principes de solidarité internationale, articulé par un médecin qui avait déjà connu une agression israélienne lors du siège de Beyrouth en 1982, pendant lequel il soignait les blessés de guerre dans la capitale libanaise où plus de 10 000 civils perdirent la vie.

C’est sur l’humanité de Gaza que Gilbert se focalise, apportant des témoignages directs sur la tragédie avec un regard médical, comme pour la famille Samouni qui a perdu 29 de ses membres sous les attaques israéliennes selon les investigations de multiples organisations des droits de l’homme. Nous faisant profiter de son expérience, Gilbert met l’accent sur la détermination de la population de la bande de Gaza, avec toujours le même leitmotiv, « (Ils) n’ont pas besoin de notre pitié, mais de notre solidarité et de notre soutien ».

Au-delà des détails émouvants sur la lutte pour la vie qu’ont menée des centaines de Palestiniens, blessés et mourants, passés par l’hôpital Al-Shifa durant l’hiver 2008/2009 à Gaza, Gilbert se concentre aussi sur les conséquences à long terme de la politique israélienne visant à maintenir un blocus qui aujourd’hui n’attire guère l’attention internationale.

« Tous les enfants dans la bande de Gaza sont traumatisés par l’état de siège, » dit-il. « Les conséquences à long terme des blessures pour les survivants palestiniens de Gaza sont cruelles à vivre, ces blessures de guerre sont physiquement douloureuses et les moyens de réadaptation très limités à cause du siège. »

« Aussi, pour les jeunes enfants blessés de guerre et traumatisés physiologiquement, il est extrêmement important d’en revenir à la vie normale, d’aller à l’école, de voir leurs copains, de retrouver une certaine forme de réalité après le chaos de l’agression israélienne ». Gilbert poursuit, « mais parce que cet état de siège débilitant touche de plus en plus les enfants, la malnutrition se développe, l’anémie se généralise, tout cela à cause de la faim, d’une malnutrition voulue par l’homme, imposée par Israël avec le total soutien des U.S.A. Comment pouvons-nous accepter cela en 2010 ? »

Gaza, toujours assiégée par les Israéliens

S’il y eut une large condamnation des dernières mesures prises par Israël pour construire de nouvelles colonies dans Jérusalem-Est, les protestations politiques par les institutions sont peu nombreuses s’agissant de l’état de siège militaire de Gaza, de l’emprisonnement massif d’un million et demi de personnes dans un territoire méditerranéen minuscule, le tout coordonné par les gouvernements d’Egypte et d’Israël.

L’approvisionnement en eau de la bande de Gaza se fait de plus en plus rare, à 80% au-dessous des normes minimales qualitatives telles que définies par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et récemment, la Compagnie de distribution d’eau des municipalités côtières (CMWU) a insisté sur le fait qu’à moins qu’une action ne soit décidée d’urgence, l’approvisionnement en eau pour la consommation des gens de Gaza sera coupé dans cinq ou dix ans.

Dans Gaza assiégée, les coupures d’électricité permanentes par Israël conduisent à une capacité électrique insuffisante, sans rapport avec les besoins des stations d’épuration, alors qu’il est interdit de faire venir à Gaza les pièces maîtresses nécessaires pour le traitement des eaux contaminées. Lentement, les grandes mares d’eaux usées qui s’étendent en surface s’infiltrent dans les nappes souterraines ; cinq Palestiniens ont été tués quand le bassin d’une station s’est effondré en 2007, inondant un village au nord de Gaza ville.

Le paysage de Gaza est marqué par la guerre, de nombreux immeubles détruits dans l’hiver 2008 par les missiles israéliens sont toujours en ruines, pendant que l’infrastructure sociale est de plus en plus instable, que les matériels indispensables aux institutions scolaires sont bloqués à la frontière en raison du siège, que l’approvisionnement en produits alimentaires se fait toujours avec parcimonie, que la malnutrition s’étend. Des milliers de victimes de la guerre dans Gaza sont un rappel constant de blessures non cicatrisées, tant individuelles que collectives, provoquées par l’opération Plomb durci.

« Des enfants amputés, des gens en fauteuil roulant sont devenus chose courante dans Gaza, vous en voyez tous les jours, les gens souffrent », dit le militant et universitaire palestinien, Haidar Eid, lors d’un entretien à Gaza ville.

« (En mars), à Gaza nous avons marqué le 1 000ème jour d’un siège illégal qui empêche la population de recevoir les soins médicaux élémentaires, nous sommes confrontés à une politique de punition collective, illégale au regard du droit international ».

« Ces dernières années, la communauté internationale n’a rien fait de concret pour obliger Israël à lever le siège et mettre fin à la souffrance de la population palestinienne dans Gaza, » dit Eid.

« La communauté internationale doit obliger Israël à lever le siège par des sanctions, et elle doit agir contre le gouvernement israélien avec la même détermination dont le monde a fait preuve contre le régime d’apartheid d’Afrique du Sud à la fin des années 1980, par des sanctions économiques et par l’isolement politique. »

Samar Aldaghma, journaliste et mère palestinienne, qui étudie actuellement à Montréal, a survécu aux bombardements de l’armée israélienne et la discussion avec elle sur Gaza glisse très vite sur les conséquences du siège pour les blessés de guerre palestiniens.

« Il y en a eu tant de brûlés gravement pendant les bombardements israéliens, des brûlures au troisième degré pour certains, ces brûlures s’infectent de façon critique, » raconte Aldaghma. « Le matériel chirurgical et les antibiotiques nécessaires aux soins manquent dans Gaza pour la plus grande part à cause du siège, des milliers de blessés qui vivent maintenant dans la bande de Gaza n’ont pas accès au traitement qu’il leur faudrait parce ils vivent dans la plus grande prison du monde.

« Beaucoup sont amputés, qui ont perdu une jambe, un bras, un œil, et ne peuvent malheureusement recevoir de prothèses. De nombreux enfants gravement blessés ont (trop) honte, ou craignent d’aller à l’école par exemple avec une seule main. Tant d’enfants sont devenus déprimés, et pourtant leurs familles et les communautés leur donnent généralement tout le soutien moral possible – dans les écoles locales, des prix spéciaux pour les jeunes handicapés de la guerre sont fréquents. »

Gaza, presses et actions internationales

Les titres de l’actualité sur la Palestine s’intéressent généralement à la politique politicienne dans les allées du pouvoir, aux crises théâtrales entre dirigeants politiques de Tel-Aviv et Washington. Au milieu de ces rumeurs médiatiques, la dernière vague de frappes israéliennes contre Gaza et les conséquences du blocus israélien passent quasiment inaperçues.

« L’insuffisance de couverture par la presse internationale des derniers raids aériens influe sur la situation d’ensemble de la bande de Gaza, » dit Rami Almeghari, écrivain palestinien. « A un moment (où) Gaza continue de souffrir (du) blocus permanent et des agressions fréquentes de l’armée israélienne, les médias du monde portent leur attention ailleurs que sur les conditions que l’on connaît ici. »

L’attention sur Gaza aujourd’hui est critique, et déplacer les projecteurs loin d’un « processus de paix » politique qui jusqu’ici n’a fait que fournir une couverture diplomatique à l’apartheid israélien est déterminant. L’absence d’intérêt pour Gaza, argue Almeghari, « soulage Israël (de) la pression qui est montée (avec) la condamnation d’Israël par le Comité des droits de l’homme des Nations unies pour les atrocités commises dans la bande de Gaza en janvier 2009. »

Quand des militants de la solidarité internationale du monde entier se sont rassemblés au Caire, l’hiver passé, pour la Marche de la Liberté pour Gaza, dans une tentative de briser ensemble le siège israélien via l’Egypte, l’attention mondiale est revenue brièvement sur l’état de siège de Gaza, même si tous les efforts incroyables de ces gens pour entrer dans Gaza furent finalement bloqués par les autorités égyptiennes.

Initiée lors de cette marche, une Déclaration historique du Caire a été publiée en réponse au siège permanent, élaborant une plate-forme pour une action mondiale en solidarité avec la population de Gaza.

Alors que le siège de Gaza se poursuivait, et en prévision d’une journée internationale d’action en soutien à la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions, pour la Journée palestinienne de la Terre (30 mars), la Déclaration du Caire apportait des éléments clairs pour poursuivre la construction d’un mouvement mondial qui monte en solidarité avec la Palestine.

Stefan Christoff est journaliste, militant social et musicien. Il est basé à Montréal. Il écrit pour Rabble.ca et est membre de Tadamon Montréal. Il peut être contacté sur twitter.

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